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Porter la main... courante...

Publié le par K.L

 

A l'étude: 15 dossiers.

Et 26% de violences conjugales, soit, 4 dossiers sur les 15. Dans deux cas, le dépôt de plainte contre le conjoint a été aimablement transformé en main courante.

 

Elle est mère de trois enfants. Deux sont majeurs et ont subi, dans leur enfance, la violence de leur père, sans qu'aucun signalement n'ait été formulé... Attendait-on le drame?

Le commissariat dans lequel elle a réussi à se rendre lui a déconseillé de porter plainte. Motif: son conjoint est reconnu handicapé. On ne peut pas porter plainte (pour violences conjugales) contre une personne handicapée, lui dit-on. Elle-même est reconnue handicapée. A 80%. Un détail, sans doute. Presque un léger abus de faiblesse...

La dette locative du bien acquis, en indivision, s'élève à plus de 16 000€. Copropriétaire, embarrassée d'une dette qui ne peut pas être apurée snas l'aide de cet homme qui a foutu tout le monde dehors (d'un bien commun du couple), elle a appelé le 115 pour être hebergée, seule... Depuis, plus de nouvelle.

Voilà où mène le découragement de la victime: elle a disparu de la circulation...

 

 

A l'aube de ses 50 ans, elle erre. Ce joli verbe. Errer. Qui n'aime pas errer dans un parc, un bois, une ville?

Elle erre le jour et la nuit. Elle a toujours erré. Non flané. Erré de rues en trottoirs en passant par squats avec un compagnon violent et alcoolique, de matelas en canapés vaguement amicaux. Elle n'a jamais connu rien d'autre que la violence des hommes: celui qu'elle a suivi dans ces squats. Cet autre qui lui donna des enfants qu'elle ne voit plus. Elle n'a jamais été locataire. Elle erre. Se réfugie dans des lieux de cure, et rechute aussitôt sortie. Comme pour mieux errer... Elle erre tant qu'elle en est passée par une fenêtre. Depuis son lit d'hopital, elle continue d'errer, immobile.

 

 

Elle aussi, pourtant même pas trentenaire, elle ne connait rien d'autre que la violence de cet homme qui fut son sauveur, les premiers jours, après la sortie d'un énième foyer. Elle n'était qu'une fillette quand elle a été recueillie en France par sa tante. Et puis, de foyer en foyer, elle avait enfin trouvé la douceur d'une chambre qu'elle ne partagerait pas autrement qu'avec un homme qu'elle aimait. Mais quand il rentre soul, il est beaucoup moins tendre. Alors elle s'enfuie. Les hébergements du 115 lui rappellent tant ses insomnies dans les foyers de son enfance, qu'elle retourne "chez elle". Alors, la douceur de l'homme refait surface jusqu'à la fin de la "lune de miel". Et quand elle l'entend tituber dans l'escalier qui mène jusqu'à leur foyer, elle sait qu'elle va devoir en trouver un où se refugier, le temps que l'orage passe. Elle a même tenté de fuir par la porte ultime, celle du paradis.

 

 

A 33 ans, mère de 3 enfants, elle avait perdu tout autonomie au sein de la cellule familiale. Cellule. Terme exact pour définir sa vie quasi-carcérale avec celui qui l'avait dépossédé de son chéquier, ses papiers, son travail, son autonomie, sa confiance en elle. Tant! Qu'elle doute de savoir comment gérer correctement un compte en banque et qu'elle a peur de se retrouver titulaire d'un bail en son nom propre. Dans l'ombre de ses doutes, elle en avait même perdu son identité de femme.

Un jour qu'elle avait réussi à sortir de la maison sans le molosse accroché à ses chaussons, elle avait franchi la porte d'un commissariat pour y déposer une plainte... Bon, d'accord, une main courante alors... Dépourvue de toute confiance, de tout estime d'elle-même, de toutes connaissances de ses droits, elle avait accepté, comme elle a pris l'habitude de le faire depuis tant d'années, de se laisser guider dans le moindre de ses choix. Même le mot lui était devenu étranger. C'est alors qu'une association a poussé la porte de ce commissariat avec elle...

Et la plainte fut...

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