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karma

Publié le par K.L

C'est comme une punition.

Un karma déconnant.

Ils doivent se dire: pourquoi moi? Comment je vais faire? Et demain?

On écoute, on entend, on comprend, on voit, entre les lignes, qu'il est si simple de passer à côté de sa vie, si tant est qu'on lui cherche désespérement un sens, du moins un but, si possible.

Certains mettent tout en oeuvre pour changer le cours qui semble devoir être.

D'autres subissent ce qui leur semble devoir être et quelque uns, subissant, cherchent des ressources positives dans leur merdier.


 

"La liberté ne se demande pas, elle se prend" (J.Christophe Rufin, l'Abyssin).


 

Elle a fui la Guinée sans ses trois enfants nés "hors mariage".

Elle a fui son horreur quotidienne. Des enfants "hors mariage" nés des viols de celui qu'on voulait l'obliger à épouser.

Elle a tout quitté, elle a fui pour ne plus subir une vie qu'elle n'avait ni souhaité, ni demandé, ni voulu. Elle a tout quitté pour arriver à Paris. Pourtant, elle a été déboutée de sa demande d'asile. Alors la voilà avec son titre de séjour d'un an dans les mains.

Une nouvelle vie en sursis.

Elle est hebergée. Elle sait que tout peut voler en éclats demain, aujourd'hui, dans une heure. Il suffit d'un rien, d'un mot de travers, ou d'une autre personne, plus importante qu'elle à heberger, pour qu'elle se retrouve, avec son titre de sejour, sur un trottoir, à se demander si elle pourra s'offrir le luxe d'une chambre d'hôtel pour respirer au chaud pendant une seule nuit.

Elle a tout fait dans les règles, tout est clair, tout est conforme: le titre de séjour, la demande de logement social, l'emploi. Elle est vendeuse. Elle a un salaire. Une garantie temporaire. Si son CDD n'est pas renouvelé, elle devra se tourner vers Pole Emploi mais elle n'aura pas de logement aussi facilement qu'elle aurait pu l'espérer.

Sa vie n'est qu'un combat. Un combat pour rester libre, indépendante, autonome. Un combat pour ne plus fuir le passé, oublier, "se reconstruire", comme on dit, et revivre, autrement, ailleurs, ici, seule, mais à l'abris de tout ce qui l'a conduit à devoir prendre, un jour, les rennes de son carrosse, en mains propres. Ne plus subir. Ne rien subir d'autre que ce qu'elle devra s'imposer pour réussir la vie qu'elle a décidé de se choisir.


 

D'autres n'ont pas cette force. D'autres se disent "c'est comme ça", et ajoutent aussi "c'est injuste".


 

"Je remercie ceux qui m'ont dit car, grace à eux, je l'ai fait moi-même" (A.Einstein)


 

C'est ce qu'elle aurait pu se dire mais elle vieillit. Et sa fille va vieillir avec elle. Elle est dans un fauteuil roulant et sa fille est sa béquille.

A moins qu'il ne s'agisse là d'une interdépendance nécéssaire à faire mouronner la souffrance qu'elles ne veulent pas oublier et dont elles se nourrissent.

Elle vivait en couple depuis les années 90 lorsqu'il a décidé de les quitter il y a 7 ans. Elle est restée dans le logement, avec sa fille, à faire vivre le souvenir d'une vie qu'elle croyait heureuse. Les dettes ont commencé à s'accumuler. Elle a cessé de payer le loyer il y a bien longtemps. Peut être même qu'elle a cessé de payer ce loyer le jour où il est parti et qu'alors "il est mort le Soleil"...

Il y a moins d'un mois, la mère et la fille ont été expulsées avec le concours de la force publique de ce logement qui les a vu vivre et mourir, ensemble. Elles sont hébergées.

Combien de temps?

C'est toujours la question.

Combien de temps donne t-on à la patience familiale ou amicale? Combien de temps donne t-on à la promiscuité avant qu'elle ne cède sa place à l'amertume, l'aigreur, la colère et le fatal "fais ta valise et dégage de chez moi!"?

Même son DALO a été rejeté faute d'avoir fait un effort pour apurer sa dette, repris le paiement de son loyer avec un échéancier qu'on aurait pu qualifier de raisonnable.

Elle a décidé de tout refuser.

Elle a décidé que tout était de la faute de cet homme, du père de son fille, et que s'il n'était pas parti, elle n'en serait pas là.

C'est une version. La bonne? Qui sait? Le sait-elle? Veut-elle le savoir? Accuser l'autre est tellement plus simple que de se regarder dans une glace et de s'avouer que peut être les torts étaient partagés et qu'on avait alors le choix: le choix de se remettre en cause et de faire un effort ou bien le choix d'accepter la défaite, la séparation et de faire autrement. Le choix aussi de laisser sa fille libre de son propre jugement, de ne pas l'attacher à la roue de son fauteuil, de vivre dans les souvenirs de son enfance quand papa était là et que tout allait bien. Tout pouvait encore aller bien, même sans papa. Mais pour cela il fallait accepter de relever sinon son corps piégé dans un fauteuil, du moins la tête. Non pour prouver à lui ou autres qu'on peut faire autrement, mais pour soi, juste pour soi, rien que pour soi. Se regarder et se dire "j'en suis capable". Et ainsi, et aussi, pouvoir dire à sa fille "et toi aussi tu en seras capable".


 

Et dans le lot de ceux qui subissent les événements, certains se disent qu'ils ont peut être une carte à jouer et que ce serait con de ne pas la balancer sur le tapis, histoire de voir...


 

"si fueris Romae, Romano vivito more; si fueris alibi, vivito sicut ibi" (Ambroise de Milan)


 

Il y a ceux qui font comme ils peuvent, parce qu'il y a aussi du "culturel" dans tout ça, mais qu'ils essaient, quand même, de faire autrement qu'avec les "us et coutumes" des anciens.

Ils vivaient avec leur communauté sur un terrain qui a été démantelé, au petit matin, il y a cinq ans.

Depuis, ils vivent dans un hôtel, pris en charge par le 115, avec deux enfants de dix et sept ans, qui vont à l'école.

Elle fait quelques heures de ménage. Il se débrouille à droite, à gauche. Mais, ils ont fait une demande de logement. Parce qu'ils ont décidé de "s'intégrer".

Ils ont du se dire que finalement, entre un terrain vague et un appartement; entre ne rien comprendre à ce qu'il se passe autour et maîtriser; entre le "je ne sais pas" et "je vais apprendre"; entre attendre de recevoir en contrepartie d'un jeu auquel on n'a pas forcément envie de jouer et construire son jeu à soi, ce n'était pas si mal d'au moins essayer.

Essayer de faire bouger les lignes. Essayer de voir jusqu'où elle peuvent bouger. Jusqu'où on voudra bien les laisser essayer de les faire bouger. Jusqu'où on se sentira, aussi, capable de les faire bouger.

Essayer de vivre autrement que dans une chambre d'hôtel, à quatre, avec deux enfants qui vont à l'école et constatent la vie de leurs camarades...

Ca ne doit pas être si simple d'entendre "dis papa, pourquoi nous on dort à quatre dans la même pièce et qu'on a pas de cuisine pour faire le diner?". Mais ça ne doit pas être beaucoup plus simple de quitter les gens avec lesquels on a toujours vécu sur un terrain, sans rien demander à personne, de le voir tomber définitivement en ruines et de se demander, emmitouflé dans son unique couverture "et maintenant?".


 


 

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