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direction le CHRS

Publié le par K.L

La Garantie jeunes a été mise en place "pour les jeunes de 16 à moins de 26 ans en situation de grande vulnérabilité sur le marché du travail. Le dispositif, généralisé en janvier 2017, donne à ces jeunes la garantie d'une intégration sociale et professionnelle grâce à un parcours intensif et personnalisé de formation et d'accès à l'emploi. " (Source: Gouvernement.fr)

 

Elle s'adresse aux jeunes qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation, pas ou trop peu qualifiés, sans diplôme, qui résident en quartier prioritaire de la ville (QPV), qui dont en rupture familiale et/ou d'hébergement;

 

La Garantie jeunes est d'un montant de 461,72€.


Jeunes, "bienvenus dans le monde merveilleux" (comme le dirait si joliment Elise Lucet) du logement transitoire.


Les foyers de jeunes travailleurs (JFJT) accueillent, comme leur nom l'indique, des jeunes... travailleurs.

Le FJT est une résidence sociale, un peu à part, qui est aussi un établissement dit social, nécessitant un agrément de l'Etat et disposant de financements de la CAF afin d'y employer des travailleurs sociaux car, la grande spécificité du FJT est de pouvoir accueillir des jeunes à partir de 16 ans, sortant notamment de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE).


Peuvent donc accéder à un FJT des jeunes entre 16 et 25 ans, ou bien des jeunes jusqu'à 30 ans, seuls, en couple, avec ou sans enfant.

Peuvent donc accéder à un FJT des jeunes en voie d'insertion professionnelle, des apprentis, des bénéficiaires des minima sociaux, des jeunes en mobilité professionnelle.


Bref, un jeune, entre 16 et 25 ans, voire jusqu'à 30 ans, avec ou sans emploi, en formation ou sur le chemin d'une insertion professionnelle, sans solution de logement ou d'hébergement, et pouvant acquitter la redevance (entre 400 et 500€ environs, charges comprises pour un hébergement autonome d'à peu près 18m²), peut entrer dans un foyer de jeunes travailleurs.


 

Sur le papier.


Dans les faits.

Rares sont les FJT qui accueillent des mineurs sortants d'ASE. Il portent généralement un projet d'établissement 18-25 ans, jusqu'à 30 ans.

Mais, plus rares encore sont ceux qui acceptent d'y faire entrer ceux qui en ont vraiment besoin: ces jeunes qui sont à la rue, foutus à la porte de leur foyer, sans emploi, sans formation, sans qualification.


Les FJT refusent donc les jeunes bénéficiant de la Garantie jeunes parce que le montant de cette prestation n'est pas suffisant pour couvrir le paiement de la redevance et garantir un reste à vivre de 10€ par jour.

Ce n'est certes jamais dit comme ça, les réponses sont toujours détournées, mais le résultat est là: "ne correspond pas au projet social"; "n'a pas les ressources suffisantes"; "en CDD qui s'achève le...", "budget non stabilisé"...


Il a 19 ans et vit chez sa mère qui le fout régulièrement dehors parce que si elle n'avait que lui à s'occuper encore... Mais c'est qu'ils sont quelque uns dans la touffeur du deux pièces. Il traine, il "erre" des nuits entières, dans les rues froides et dégueulasses et quand, vraiment, épuisé et affamé, il gratte à la porte, il va directement se coucher pour reprendre des forces avant une nouvelle engueulade qui le conduit jusque sur la pas de la porte.

Il perçoit la Garantie jeunes

Aucune chance.

Aucune! D'entrer dans un FJT et encore moins dans une résidence sociale dites "jeunes actifs" dont les redevances sont en moyenne de 50 à 80€ plus chères.


Le problème est aussi le même pour ces jeunes en formation, rémunérés par l'ASP (Agence des Services de Paiement) et qui perçoivent 350 ou 380€.


Il est arrivé du Sénégal en 2016 et bénéficie aujourd'hui du statut de réfugié et d'une carte de résident de 10 ans.

Il est "en errance". Comme toujours, comme d'habitude. Je finis par l'aimer cette belle expression qui veut dire qu'il vit sous un pont, qu'il dort dans le métro ou sur un trottoir, qu'il planque un matelas derrière un mur, qu'il se dort parfois chez un pote, s'il en a un qui veut bien le laisser squater son canapé et prendre une douche.

Son oncle, qui l'a accueilli quand il est arrivé en France, ne veut plus le garder chez lui.

Alors, il erre.

350€, c'est le montant de sa rémunération en formation.

Aucune chance.

Aucune! D'entrer dans un FJT ou une résidence pour jeunes. Il ne gagne même pas le montant de la redevance dont il devrait s'acquitter, même si le logement est solvabilisé par l'APL.


Elle a 20 ans.

Avec sa mère et ses frères et soeurs, ils vivent dans un logement temporaire dédié, en principe, à une seule personne. Un 18m² dans une résidence sociale. Autant dire que non seulement la famille est en suroccupation dans un logement temporaire mais qu'en plus la situation dans ce logement ne correspond pas au titre d'occupation...

Voilà que pour la sortir de son bourbier, la Mission Locale qui la suit a fait une demande de logement relais, dans un FJT, ainsi qu'un dossier de demande d'hébergement transitoire auprès de l'Etat afin de doubler les chances de la jeune fille d'entrer dans un logement autonome et temporaire.

Aucune chance.

Aucune! Ni par le logement-relais, ni par le SIAO, de rentrer dans une résidence sociale avec 380€ de ressources.


Elle aussi a 20 ans. Elle est dite, dans le dossier, "majeure osseuse", son titre de séjour en poche, elle vient de voir son contrat jeune majeur s'achever à 19 ans. Pas 21 ans comme il doit l'être, d'ailleurs, mais 19 ans.

Elle dort chez une copine qui va bientôt être expulsée, elle aussi.

Son CDD se termine dans un mois, on ne pourra jamais la faire rentrer dans un FJT, faute d'emploi, faute de ressources suffisantes.

Aucune chance.

Aucune!


Ils sont partis tous les quatre sur les listes d'attente des CHRS (centre d'hébergement et de réinsertion sociale).


A la question "sommes-nous bien d'accord que le projet social prévoit l'accueil de jeunes bénéficiaires des minima sociaux en voie d'insertion sociale et professionnelle?", la réponse qui m'a été faite, par un directeur de structure est: "nous étudierons son dossier lors de l'entretien".


La vérité, c'est que les gestionnaires de résidences sociales (FJT, residences jeunes actifs, résidences sociales ex-nihilo...), bailleurs sociaux de leur état, ont un loyer à payer au propriétaire du bâti et qu'il faut donc des jeunes (et plus largements des résidents) ayant des ressources suffisantes et durables pour payer la redevance du logement temporaire, chaque mois, et sans faute. Si possible (non! Surtout! Sans enfant, en emploi durable avec une demande de logement social active). Le but n'est même pas de rester deux ans dans la résidence, temps dit optimal et qui d'ailleurs n'est pas une règle législative ou réglementaire mais juste une stipulation contractuelle sans aucune valeur légale (du moins dans la convention CAF que j'ai lu et relu avec une loupe un nombre incalculable de fois). Le but est d'arriver à un taux de rotation annuel avoisinant les 90%. Le temps de changer les draps et de retourner le matelas et un autre jeune prend la place. Le but est de faire tourner la boutique, éviter les impayés de redevances. Le but est de faire entrer des jeunes sans difficultés sociales et/ou professionnelles.

Des jeunes qui, logiquement, devraient pouvoir trouver un bailleur dans le privé.

Alors on crée un nouveau bail, sans dépot de garantie et la formule VISALE ("connecte emploi et logement", car, pour en bénéficier, il faut... travailler!)

Et ça ne changera pas le problème des gamins qui n'ont pas de quoi payer une redevance dans une résidence sociale pour jeunes actifs ou un foyer de jeunes travailleurs, d'autant plus, que, par définition, ils ne sont pas actifs.

Juste dans la merde.

En rupture familiale, d'hébergement, sans qualification, sans emploi, sans argent...

Et en direction d'un CHRS...

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